Avec ses 7 heures de marche intensive, cette journée aurait pu s’appeler « le jour le plus long ». Mais le destin en a décidé autrement, et on peut plutôt parler du jour le plus fou, plutôt dans le mauvais sens du terme, de ma courte, et loin d’être finie je l’espère, existence.
Tout avait pourtant bien commencé. Nos réserves de barres chocolatées commençaient à s’approcher du néant. Notre joie a donc été immense lorsque nous avons vu une pancarte annonçant des barres chocolatées pour seulement 70 roupies, soit à peine plus chères qu’à Katmandou. Cela est d’autant plus surprenant que la plupart des autres objets d’attention de notre porte-monnaie (hébergement, repas, boissons…) ont doublé voir triplé au fur et à mesure de l’altitude. C’était un début idéal pour se motiver à accomplir une très longue journée de marche. Nous souhaitions en effet réaliser en une journée ce que le Lonely Planet recommande de faire en deux jours.
Nous avons accompli cette aventure à travers un décor magnifique. Pendant plusieurs kilomètres, la végétation autour de nous était digne du livre de la jungle, avec ses lianes et ses grands arbres aux formes étranges. Plus tard, le paysage environnant s’est transformé en une immense forêt de bambous, sans perdre de sa beauté sauvage. En plus de ces paysages assez uniques et des singes qui, au dessus de nos têtes, vivaient tranquillement leurs petites vies, cette jungle nous a aussi permis de nous équiper en bâtons de randonnée qui n’ont rien à envier à ceux vendus à Pokhara ou Katmandou, la gratuité et le sentiment aventurier en plus.
Notre marche s’est finalement conclue à 16h15, à Himalaya. La première auberge était pleine, nous avons posé bagages dans la seconde, l’Himalaya hôtel. Ici, les prix commencent vraiment à s’envoler. La chambre coute deux fois plus cher et les douches chaudes deviennent payantes. Ce ne serait pas un problème si ces douches procuraient le même plaisir que les précédentes, ce qui n’était hélas pas le cas du tout. Premièrement, comme cela arrive régulièrement, nous n’avions pas de sandales dans la chambre pour aller jusqu’à la douche, située à l’extérieur, à quelques mètres de notre bâtiment. Lara a donc du y aller avec ses chaussures. Deuxièmement, la douche était tellement étroite qu’elle a posé ses affaires comme elle pouvait. enfin, l’absence de lumière (il faisait déjà sombre dehors), le froid, le manque d’eau (pas très chaude) et de pression permettaient d’en faire la douche la plus désagréable qu’elle ait prise de sa vie.
Et ce n’était pas fini,, lorsqu’elle a voulu récupérer ses affaires, elle a eu la mauvaise surprise de découvrir que le mauvais écoulement de l’eau et l’étroitesse de la « pièce » avaient permis à ses chaussures de bénéficier d’une bonne douche elles aussi, sans que Lara puisse s’en rendre compte à cause du noir dans lequel elle était plongée. La température ambiante n’aidant pas, lorsqu’elle a remis ses chaussures aux pieds, ses pieds se sont aussitôt retrouvés glacés.
Une fois mis au courant de l’incident, je suis allé voir le propriétaire de la Guesthouse. Forcément inquiet pour Lara, à la santé fragile, et considérant que les conditions dans lesquelles elle avait pris sa douche était déplorable, je n’étais pas vraiment de bonne humeur lorsque je me suis retrouvé face à lui dans la cuisine de l’auberge. Je lui ai expliqué ce qui était arrivé à Lara, lui ai demandé des chaussures ou sandales de rechange pour Lara pour la soirée, et dit que l’on ne paierait pour cette douche sur un ton très ferme. Le type a alors dit, sur un ton peu agréable, que ce n’était pas sa faute, qu’il n’avait rien à faire et que je n’avais pas à lui dire ce qu’il devait faire. J’ai alors haussé le ton et ait dit que c’était sa faute et qu’il allait s’en occuper. Il s’est levé comme pour affirmer son autorité. J’ai approché ma tête de la sienne en le regardant droit dans les yeux pour affirmer mon autorité. Deux comportements masculins typiques et assez crétins il faut le reconnaitre.
Nous étions donc tous les deux très énervés à ce moment là, et il est vrai, aucun de nous n’avait essayé de faciliter la situation. Le problème est que le mec n’en est pas resté là, ou n’a pas « simplement » essayé de m’en coller une. Deux attitudes certes différentes mais plutôt courantes dans ce genre de situation. Non, il a complètement disjoncté. D’un bond, il s’est jeté sur un énorme couteau de cuisine digne de ceux que l’on peut voir dans le dessin animé Ratatouille de Pixar, l’ambiance romantique en moins. D’un autre bon, il a essayé de se jeter sur moi. Il n’y avait aucune menace dans son acte, juste de la folie pure qui aurait conduit au pire. Heureusement, ses collègues présents dans la cuisine l’ont intercepté et j’avais déjà reculé dans la salle commune, remplie de regards qui se demandaient ce qui venait de se passer dans la salle d’à coté. C’était la première tentative de meurtre à mon encontre et j’espère que cela sera la dernière.
Si je voulais de l’aventure pendant le voyage, je pouvais maintenant dire que j’avais été servi ! L’un des Népalais ayant arrêté le propriétaire m’a rejoint dans la salle à manger et demandé de sortir. Je suis alors retourné dans la chambre raconter à Lara ce qui venait de se passer. Cinq minutes plus tard, mon agresseur et son collègue sont venus à l’entrée de la chambre en nous demandant de quitter l’auberge, ce qui n’était tout simplement pas envisageable. Il faisait noir, froid, l’auberge voisine était pleine et il y avait au moins deux heures de marche jusqu’à l’étape suivante. D’un ton toujours aussi ferme qu’avant, j’ai refusé et affirmé que nous resterions là. Mon agresseur s’est de nouveau emporté et m’a alors fait savoir que j’avais de la chance, que j’étais un sale type et que si j’avais été Népalais il m’aurait tué (ce qu’il avait essayé de faire, rappelons le). Refusant de m’écraser, je lui ai dit que non, je n’étais pas un sale type, puisque contrairement à lui, jamais je ne tuerai quelqu’un, même si c’était un sale type comme lui, et c’est ce qui faisait notre différence. Sur le coup, il a confirmé mes dires, c’est ce qui faisait notre différence. Puis il est parti.
Il est revenu quelques minutes plus tard avec des sandales, a pris les chaussures de Lara pour les sécher et s’est excusé au moins 5 fois, me demandant d’oublier ce qu’il avait dit plutôt. Ne voulant pas faire plus d’histoires pour la soirée et ayant enfin obtenu des solutions au problème de Lara, j’ai accepté ses excuses. Il nous fallait maintenant survivre au diner, qui pouvait être empoisonné, et à la nuit à proximité du malade au couteau, ce que nous avons réussi. Mais la nuit n’a pas été de tout repos pour autant. Histoire de rajouter une touche de piment à une soirée déjà bien épicée, nous avons eu le plaisir de partager notre chambre avec une souris qui était très curieuse du contenu de nos bruyants sacs plastiques. Le jour le plus fou de ma vie.
Découvrez la suite : Jour 4 – D’Himalaya au camp de base de l’Annapurna
Quel récit ! J’en rigole un peu en le lisant mais ça n’a vraiment pas dû être drôle du tout pour toi sur le coup…
Étrangement ça me donne vraiment envie de faire un Trek 😉
Ça n’a pas changé ma passion pour les treks, rassure toi !
Décidément, tous blogueur voyageur qui se respecte a manqué de claquer en voyage !
Mais tu es sans doute celui qui est passé le plus près 😉
Oui, après, j’y ai (hélas) mis du mien aussi pour en arriver là. Fort heureusement, je me suis bien assagi depuis ! D’après ce que tu dis, j’ai l’impression que toi aussi tu aurais « frôlé la mort ». Je me trompe ?
Oups, je viens de retomber sur cette réponse !
Non non, pas de « presque décès » à signaler pour ma part. Ma plus grosse frayeur, c’est le trajet Shanghai Downtown – Pudong Airport à vélo sur autoroutes surélevées et en pleine nuit ! Heureusement je me suis bien assagi depuis 🙂
On fait tous des folies quand on est jeunes. Je me rappelle avoir traversé une autoroute à pied quand j’avais 12 ans…