Mathilde et Antoine ont découvert l’Afrique cet été. Ils sont partis faire du volontariat au Bénin avec une agence de voyage solidaire. Ils nous racontent leur expérience sur place.
Bonjour, pouvez-vous commencer par vous présenter ?
Mathilde : Bonjour :), 27 ans, A la recherche d’un contrat pro en RH (cela dit en passant)
Antoine : j’ai 26 ans, consultant sur Paris. J’aime beaucoup voyager pour découvrir de nouvelles cultures ou façons de voir les choses. Pas nécessairement très loin : les Cyclades sont très dépaysantes et c’est encore en Europe !
Vous êtes récemment partis en volontariat. De quel type de mission s’agissait-il ?
Mathilde : J’étais dans un Orphelinat, avec une cinquantaine d’enfants âgés de 1 à 17 ans. Tous les matins, j’étais accueillie par une chanson, les enfants se répartissaient par classe et Je donnais des cours, de français, math, anglais, géo… L’après-midi était plutôt consacré aux loisirs, créatifs, jeu (Apportés par moi même puisqu’il n’y a rien sur place, sport, construction….)
Antoine : Je suis parti à Ouidah, au Bénin, donner des cours d’informatique durant trois semaines. Les groupes étaient de tous les niveaux (de la manipulation de la souris au tableau croisé dynamique dans un tableur) et très hétérogènes (maçons, étudiants, militaires, boulangers, assistantes…).
Antoine, ces cours d’informatique que tu as donné vont-ils être concrètement utiles aux personnes qui les suivaient ?
Antoine : Oui, les cours donnent droit à l’obtention d’un diplôme visé par la Mairie de Ouidah en partenariat avec l’ONG. C’est une étape d’insertion professionnelle : secrétariat, entrepreneuriat… Le champ d’application est très large !
Qu’avez-vous pensé du Bénin ?
Mathilde : J’ai adoré, je veux absolument y retourner, revoir les gens rencontrés, les enfants à qui je continue de penser tous les jours. Au delà de l’humain, c’est un très beau pays, riche culturellement, c’est un pays mystique qui baigne dans la culture vodou. Il y a des paysages très différents du nord au sud, l’océan, la plage unique bordée de cocotiers. C’est surtout un pays très coloré, de par la terre souvent rouge, le soleil toujours très présent, les gens noirs, leur habits bariolés, les cochons, les poules, les vaches qui se baladent dans les rues. Paris à coté est tellement gris et fade. Et les nuits sont magnifiques, Il n’y a pas d’électricité donc tous les gens vendent leurs fruits et légumes éclairés à la lampe à pétrole.
Il y a, au Bénin, un gros problème de déchets, de ramassage d’ordures. Il est normal pour un Béninois de jeter ses papiers par terre.
Antoine : J’ai adoré ! Je suis l’une des victimes du coup de foudre africain ! C’est un tout petit pays mais extrêmement riche. Il est situé en Afrique de l’Ouest, à l’ouest du Nigeria. Sa richesse est bien sûr culturelle, il s’agit de l’un des pays les plus pauvres du monde (très peu de richesses en sous-sol…).
Entre autres, le Bénin est le berceau du vodoun, cette religion mystifiée à outrance en occident. C’est aussi un exemple de brassage religieux avec énormément de tolérance entre croyances. Les béninois sont tout de même tous reliés par les croyances vodoun qui peuvent se cumuler au christianisme ou à l’islam ! C’est assez complexe à déchiffrer car le vodoun est très peu visible en extérieur !
L’autre point fort du Bénin est son excellente connaissance de la traite négrière, en tant que victime mais aussi bourreau. Ils sont bien mieux renseignés et au fait de ce qu’il s’est réellement passé lors de ces périodes sombres d’une histoire pourtant commune avec la France !!! D’autre part c’est un pays extrêmement beau, avec de très nombreux peuples différents qui viennent diversifier les régions traversées. Les paysages changent très vite, de l’océan ouidanien aux montagnes de Dassa (plutôt de gros tas de cailloux mais tellement atypiques !).
Difficile d’exprimer ce que j’ai pensé, l’Afrique se vit, elle ne se raconte pas.
En quoi les gens te paraissent mieux renseignés que les français sur ce qui s’est réellement passé lors de la traite négrière ?Antoine :
Ils l’ont tout simplement vécu. De nombreuses familles sont riches grâce au commerce triangulaire. Mais cette histoire est assumée totalement. En France, je doute que grand monde sache que le Bénin était le 3eme port de traite négrière… Moi même je l’ai appris là bas.
Comment étaient les relations avec les gens ?
Mathilde : Les gens sont exceptionnels, d’une culture tout à fait étrangère à la notre. Mon premier rapport avec un béninois était le premier jour, lors d’un achat, il me dit : « donne-moi 300 francs ». J’ai pensé dans ma tête d’occidentale « s’il te plait, merci » Mais encore une fois nos cultures sont tellement différentes. Il n’y avait rien de méchant, ni d’agressivité.
Ce sont des personnes très curieuses, très intriguées, parfois indiscrète. Je me suis souvent fait arrêter, pour simplement discuter, savoir d’où je venais, pourquoi j’étais ici, ce que je pensais de leur pays, comment c’était chez moi, quelle était ma religion, pourquoi je n’avais pas d’enfant (étant donné mon grand âge) … Les enfants sont très intrigués par ma couleur de peau, souvent, ils comparaient ma main à la leur. Une petite fille rencontrée dans un village, me touchait la veine du bras. Dans des endroits plus reculés, les enfants les plus jeunes avaient peur des blancs, ils se mettaient à hurler et à pleurer sous le regard amusé des plus grands.
Antoine : Extrêmement bonnes, nos interlocuteurs directs pour le volontariat étaient habitués aux européens et donc nous ont grandement facilité l’insertion. Les béninois sont très friands de conversations, il n’est pas rare de passer de longues minutes dans une discussion avec des inconnus dans la rue ou sur les marchés.
Les relations sont simples, et pleines de curiosité mutuelle !
Racontez chacun ce qui vous a le plus marqué durant cette expérience ?
Mathilde : Il y en a eu tellement ! L’expérience la plus marquante, est aussi la plus négative. Sinon, je serais marquée à vie par le voyage en entier ! Toutes les rencontres, Les situations cocasses à 14 dans un taxi brousse tout déglingué, les chèvres qui passent sous la table quand tu manges, à 4 adultes sans casque sur une moto, un homme en moto qui éclaire la route avec son téléphone portable dans la bouche, les marchés qui sont indescriptibles ! Le jour où j’ai acheté des poules, un coq, des pigeons, marchandé une chèvre pour un sacrifice ou encore les cours de danse et les chants omniprésents.
Antoine : Le plus marquant est évidemment la pauvreté. Je ne m’attendais pas du tout à ce point là. C’est marquant à l’arrivée, cela le reste tout au long du séjour, mais le sentiment s’adoucit car l’on se rend compte que ce n’est pas ce qui rend les gens malheureux.
Globalement, c’est une expérience de partage que j’ai vécu. J’ai donné essayé de transmettre un maximum de connaissances à mes élèves en informatique. Mais dans le quotidien, on découvre toujours de nouvelles personnes qui ont des sujets de conversations ouvrant toujours un peu plus notre champ de vision.
Qu’est ce qui rendrait les gens malheureux là-bas selon toi ?Antoine :
La mort lorsqu’elle survient entre 5 ans et 50 ans. Une personne qui décède après 50 ans a bien vécu, la tristesse est immense mais bien plus grande lorsque les gens meurent jeunes… L’espérance de vie est de 60 ans.
Quelle serait l’expérience la plus négative pour chacun de vous ?
Mathilde : Nous avons roulé de nuit parce que nous étions en retard, et notre guide en avait l’interdiction. La route était en terre couverte de nids de poule et tous les automobilistes ne possèdent pas de phares. Ou lorsqu’ils en ont, ils ne savent pas s’en servir et les laissent constamment en plein phare, et je répète qu’il n’y a pas d’électricité, donc pas d’éclairage public. C’était donc très dangereux. Des personnes rentrent à pied le soir sur les bords de route, avec des charges sur la tête et sont alors invisibles. J’étais devant dans le Van, je vois un homme allongé par terre sur la route, il venait de se faire faucher. Je dis « il y a un homme par terre » Le guide répond » oui j’ai vu ». Je dis » Il faut s’arrêter, on peut peut-être le sauver ». Le guide sur un ton très calme m’explique que s’est impossible, Il n’a pas le droit, et s’il est mort (ce qui est certainement le cas), les policiers le tiendront pour responsable.
Antoine : Je n’en ai aucune d’africaine. Les expériences les plus négatives se sont déroulées entre européens en voyage sur place. Manque de tolérance, ethnocentrisme, jugements… bref, ce qui me motive à repartir sans proximité immédiate avec un groupe d’occidentaux !
Tu as le sentiment que ces occidentaux qui manquent de tolérance font ce genre d’expérience « pour faire bien » ?
Antoine : Non, je pense qu’ils sont convaincus de bien faire. Mais ils débarquent avec leurs gros souliers. Trop de jugement sur tout, une empathie caricaturale (on est pas là pour les plaindre mais pour donner un peu et faire progresser), très peu de patience, et ne parlons pas de la bouffe et des plaintes associées… Peut être était-ce juste un manque de bol pour moi mais j’ai quand même constaté ce genre de comportements sur plusieurs personnes qui ne se sont pas rencontrées…
Vous êtes partis avec une agence de voyage plutôt que directement avec une ONG. Pour quelles raisons ? Quels sont les avantages et inconvénients selon vous ?
Mathilde : Ce voyage j’en ai rêvé depuis que j’ai 15 ans, mais les organismes me trouvaient trop jeune, puis trop fragile. L’avantage de cette agence est que dans un pays tout à fait étranger, (je ne suis jamais sortie de l’Europe avant d’aller en Afrique) Nous étions, très bien encadrés, avec des gens de confiance, présents et toujours disponibles.
En groupe il y a toujours des inadéquations entre certaines personnes. Et au contraire des relations très forte peuvent se créer, j’ai d’ailleurs rencontré 2 supers copines, que je vois régulièrement. Nous sommes liées par des moments partagés magnifiques. Ayant mon mari sur place, dans les moments plus durs, nous étions là l’un pour l’autre.
Antoine : L’agence de voyage propose un cadre sécurisant. Il s’agissait de ma première expérience de bénévolat/volontariat dans un pays et surtout une région inconnue. Le fait d’avoir un accueil, un logement, une sécurité dans la recherche des transports rassure énormément avant le départ.
L’inconvénient majeur est le tarif. Selon mes calculs, le voyage m’a coûté 20% de plus que si j’étais parti en autonomie complète, à me débrouiller. Le second inconvénient est d’avoir du partager beaucoup trop avec des occidentaux : j’ai détesté les moments de visite en groupes, trop impersonnelles et distantes des béninois et marquées d’un timing imposé. Le troisième est une sédentarisation dans une région pour que le volontariat ait un sens : développer quelque chose malgré le court terme (trois semaines c’est peu mais suffisant pour former 2/3 groupes à l’informatique).
Pour quelqu’un de peu rassuré, je conseillerais ce format via une Agence de Voyage solidaire. Mais à un baroudeur ou quelqu’un qui n’a pas froid aux yeux, je lui dirai « Vas y, tu te feras des contacts sur place ». La preuve en est que j’ai rencontré par mal de voyageurs solitaires qui n’avaient qu’un billet d’avion en poche !
Est-ce que votre expérience de volontariat a eu un impact sur votre comportement de touriste ?
Antoine : Bien sur, le volontariat « force » l’établissement d’une relation de proximité et un échange prolongé avec un nombre restreint de personnes. Je pense en avoir appris bien plus sur la vie locale. Donc oui, c’est une forme de tourisme qui accentue le contact et surtout la manière dont les gens nous perçoivent.
J’ai eu beaucoup de plaisir et de satisfaction à voir que mon engagement solidaire a été reconnu par mes élèves. Dans un pays comme le Bénin, j’ai trouvé que de n’être pas qu’un simple touriste m’a facilité le rapport avec les gens.
Mathilde : Pas du tout, Cette expérience n’a fait que confirmer celle que je suis vraiment. J’ai pris confiance en moi en faisant quelque chose dont je suis très fière. Cela m’a peut-être permis d’aller plus spontanément avec moins de retenue sur les gens. Et j’ai surtout obtenu une capacité d’adaptation.
Repartiriez-vous en volontariat ? Si oui, dans les mêmes conditions ?Mathilde :
Je repartirais 1000 fois en volontariat, Dans d’autres conditions, plus économes, avec un sac à dos sur le dos, en me renseignant à l’office du tourisme par exemple, pour savoir si je peux me rendre utile quelque part.
Antoine : Oui, je repartirai volontiers en volontariat. Et non, je repartirai avec mon seul billet d’avion en poche
Témoignage très intéressant à lire et qui en plus parle de l’Afrique, ce qui n’est pas si courant sur les blogs de voyage. Je vois que je ne suis pas le seul à avoir été marqué par la terre rouge de ce continent.
J’ai ai déjà songé plus d’une fois, mais je n’ai jamais fait oeuvre de volontariat durant mes voyages.
Ma question serait par contre sur le comment choisir une agence de voyage pour ce genre de volontariat ? Car je dois bien avouer un certain scepticisme face aux prix demandés par certaines. Je n’ai aucune expérience direct quant à ce genre de séjour mais je me pose toujours beaucoup de questions quand on me demande de payer des prix parfois sans commune mesure avec ce que me coûterait un voyage dans le même pays. Je finis par me demander, « mais il va où cet argent ? ». Y a-t-il des contrôles en la matière, comme par exemple le Comité de la Charte pour les ONG ?
Personnellement, je suis contre passer par une agence. Pour ceux qui ne savent pas trop comment faire, je recommande de passer par des associations françaises, qui sont nombreuses. Pour ceux qui sont très débrouillards, comme tu sembles l’être vu tes expériences, le billet d’avion et la débrouille sur place, comme conseillé par Antoine, semble une alternative viable. En tout cas, vu ton background, évite les agentes, lance toi dans l’aventure 🙂
Je ne passerai sans doute pas par une agence le jour où je me lancerai dans ce genre d’expérience Christopher, mais la question des agences m’intéresse tout de même. N’aimant pas passer par une agence et ne le faisant pas pour mes voyages, j’ai quelquefois tendance à voir des arnaques là où il n’y en a en fait pas.
Moi aussi j’ai cette vision « arnaque », et je vais l’aborder dans un prochain article. C’est pour cela aussi que je trouvais intéressant d’avoir l’interview de Mathilde et d’Antoine, pour contre-balancer nos points de vue qui se font sur des a-priori.
Salut Laurent, mon retour d’expérience concret sur l’argent : à Paris, l’agence de voyage a bien précisé le montant pour sa propre gestion, pour le voyage, pour les frais sur place etc.
En gros, il faut demander la transparence en cas de doute.
Sur place, ne jamais oublier que la corruption est partout, donc il ne faut se faire d’illusions, une partie de l’argent ira à coup sur dans des poches non prévues. Mais pas forcément directement : notes de frais, remboursements et autres. Il faut apprendre à vivre avec.
Après, il faut voir quel est le « niveau de vie » que l’on a sur place, et remonter tout de suite à l’agence le problème si cela semble inapproprié pour le prix (comparer des nuits d’hôtel, chez l’habitant… le fait d’avoir une « gouvernante », de la sécurité, des facilitateurs sur place etc…).
Je pense que les contrôles sont impossibles à faire… c’est le voyageur qui doit se responsabiliser.
Merci Antoine pour ces infos complémentaires. C’est plutôt réglo de la part de l’agence si elle annonce carte sur table sa commission. Qu’elle ait une commission est normal, c’est son travail et elle fournit une prestation. Simplement, il a des abus parfois dans ce genre de business. On tombe un peu dans le monde des Bisounours, car quand on est prêt à s’engager pour ce genre de mission, il y a forcément un côté généreux en nous qui peut-être abusé par certains, et là, ça laisse un goût amer 🙁